Jacques Saurin

(1677-1730)

Abrégé de la théologie et de la morale chrétienne (1722)

 

Première partie

Où l’on traite des vérités que la religion naturelle nous découvre

 

Section I

Où l’on donne une idée générale de la divinité

 

Demande du catéchiste : Qu’entendez-vous quand vous parlez de Dieu ?

Réponse du catéchumène : Dieu est un être [1] auquel tout ce qui est doit son existence [2] : un être éternel qui sait tout, qui peut tout, qui est souverainement saint et souverainement bon.

D.    Quand vous faites cette description, croyez-vous y renfermer tout ce qui convient à Dieu ?

R.      Point du tout. Dieu est infiniment au-dessus de mes lumières. Je ne doute pas qu’il n’y ait en lui beaucoup de choses qui me sont inconnues.

D.    Pourquoi vous contentez-vous de dire que Dieu est : (1) l’auteur de tout ce qui existe ; (2) qu’il est éternel ; (3) qu’il fait tout ; (4) qu’il est souverainement puissant ; (5) qu’il est souverainement saint ; et enfin, souverainement bon ?

R.      Je suis scrupuleusement le devoir que la raison m’impose ; c’est de ne rien avancer, principalement en matière de religion, et de ne rien croire, que ce dont je puis avoir de bonnes preuves.

D.    Avez-vous donc de bonnes preuves que Dieu possède toutes ces qualités que vous lui attribuez ?

R.      Oui. Sans cela, je rangerais ces attributs [3] dont j’ai parlé parmi ces choses à l’égard desquelles je ne dois avoir aucun sentiment fixe, et que je ne dois déterminer dès lors que je serai parvenu à un âge plus avancé, et que j’aurai une plus grande étendue de lumières.

D.    La connaissance que vous avez de la divinité est-elle seulement propre à exercer votre esprit, à vous découvrir certaines vérités dignes de votre curiosité, ou si elle doit avoir aussi de l’influence sur la conduite de votre vie ?

R.     Elle doit avoir de l’influence sur la conduite de ma vie.

D.    Comment cela ?

R.    C’est que dès que je suis convaincu qu’il y a un Dieu qui possède certaines perfections, je ne saurais, sans être ennemi de moi-même, ne pas pratiquer certaines vertus.

D.    Vous engagez-vous donc à prouver, non seulement que Dieu a les six perfections que vous lui attribuez, mais qu’elles sont, pour une personne raisonnable et qui entend ses intérêts, des sources de motifs [4] à la vertu ?

R.      C’est un engagement dans lequel je crois pouvoir entrer sans témérité.

 

 

[1] C’est un mot général qui convient à Dieu et aux hommes, et à tout ce qui est.

[2] Existence : c’est un mot qui exprime qu’une chose est, et qui la distingue de celles qui ne sont point.

[3] Attribut, c’est-à-dire : qualité. Tout ce qui convient à la chose dont on parle et qui fait qu’elle est ce qu’elle est. Par exemple, quatre cotés, c’est une qualité ou un attribut qui convient à un carré, et qui fait qu’un carré est un carré.

[4] Motif est ce qui meut, qui porte à faire quelque chose.

 

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